Avec la loi du talion, il n'y a que des perdants

Alors qu'il apparaissait comme témoin dans une procédure judiciaire, le général israélien Nitzan Alon a déclaré: «Une des motivations des Palestiniens pour mener des attaques terroristes est la violence d'éléments de droite en Cisjordanie» (1), faisant allusion à la frange dure des colons israéliens qui s'y sont installés. Inversement, il a aussi dit que les violences des colons s'expliquaient en partie comme des réponses aux violences palestiniennes. 

Ces paroles évoquent un dialogue de sourds bien connu: pour les partisans d'Israël, la violence israélienne ne fait que répondre au terrorisme palestinien, et, pour les partisans de la Palestine, la violence palestinienne ne fait que répondre à l'occupation militaire de leur pays. Le seul point qui réunit les uns et les autres est qu'ils font implicitement référence à la loi du talion.

Le problème, avec cette logique, c'est que chaque partie a toujours une raison de penser qu'elle ne fait que répondre aux dernières violences de l'ennemi. La loi du talion entretient indéfiniment la violence, la peur et la haine (voir Les amis de mes ennemis sont mes amis). C'est une évidence que de dire que la résolution du conflit israélo-palestinien a peu de chances d'être obtenue dans ce climat.

Dans la logique œil pour œil, dent pour dent, il n'y a que des perdants. Une meilleure solution consiste à s'appuyer sur les instruments de l'État de droit: la médiation et la conciliation, et, à défaut, l'arbitrage (2), sous l'égide des Nations Unies. Ces outils sont loin d'être parfaits, mais, contrairement à la loi du talion, qui crée un cercle vicieux, ils sont susceptible d'apaiser les conflits et d'y mettre fin. Il s'agit, dans la mesure du possible, de n'avoir que des gagnants.

Dans le cas du Moyen-Orient, le cadre d'une solution existe, c'est la terre contre la paix (land for peace). Il a été formulé dans la Résolution 242 du Conseil de sécurité. Les Israéliens rendent le Golan aux Syriens et la Cisjordanie aux Palestiniens et, en échange, ils gardent les territoires qu'ils ont envahis en 1948 et obtiennent la reconnaissance de leur État par leurs voisins et la signature d'un traité de paix. 

Si la résolution 242 était appliquée, les Palestiniens seraient perdants par rapport à la situation d'avant 1948 puisque environ 80% du territoire de la Palestine historique leur échapperait, mais gagnants par rapport à la situation catastrophique qui prévaut depuis 1967 (3). Les occupations militaires ont des conséquences tragiques sur les populations occupées et celle-ci dure depuis deux générations.

(1) Chaim Levinson, «Palestinian Attacks Fueled by Settler Violence, Senior Israeli Commander Says», Haaretz, 23 octobre 2015.
(2) Tom Bingham, The Rule of Law, Penguin Books, 2010, p. 86 (Lord Bingham a été membre de la Cour suprême britannique de 2000 à 2008).
(3) Voir Pierre Jaquet, 
L'État palestinien face à l'impuissance internationale, L'Harmattan, 2013, pp. 87-176.

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